jeudi 27 juin 2013

Le travail sur les chantiers est toujours dangereux pour la vie des ouvriers


bâtiment • Alors que s’améliorent les techniques de construction, les accidents sur les chantiers restent nombreux, à l’exemple du Tessin.
Au Tessin, depuis le début de l'année, il y a eu cinq accidents mortels sur des lieux de travail, en particulier dans la construction. Des enquêtes de police ont été lancées afin d’établir les responsabilités éventuelles des entreprises et des directions des travaux. Ce que considèrent les syndicalistes, eux, c’est que le travail sur les chantiers est dangereux. Si les techniques de construction se sont améliorées, les ouvriers continuent en effet de mourir en travaillant. Il y a là une contradiction que Unia-Tessin veut expliquer en récoltant le plus grand nombre d'informations pour les analyser et afin de démontrer une fois pour toutes les phénomènes qui amènent aux tragédies de ces derniers mois. «Nous ne voulons pas la réduction des accidents mortels, mais la fin des morts sur les chantiers», explique le syndicat. Le 23 avril au matin, Unia avait convoqué une conférence de presse pour présenter cette campagne sur la sécurité au travail lorsque le troisième accident mortel se produisit. Les dirigeants du syndicat s’exprimèrent devant les médias alors que le corps était encore chaud.
La SUVA émet des vœux pieux
Qui connaît les chantiers sait que les organes de prévention, en particulier la SUVA, se limitent à réduire la sécurité à une question technique et à un coût. Il faut mettre le casque, il faut des échafaudages montés selon les règles de l’art, il faut utiliser les protections pour les machines, etc. La SUVA invite toujours les travailleurs à dire stop quand un travail est dangereux, néanmoins cela demeure un vœu pieux quand on connaît un petit peu les lois sur le travail en Suisse et leur effet sur les lieux de travail. Face à un marché toujours plus sauvage, soumis aux intérêts des banques et des gérances immobilières, les droits des travailleurs comptent peu et ils reculent depuis des décennies. Aucune véritable protection contre le licenciement n’est établie par la loi et il n'y a pas moyen de la faire introduire dans des CCT.
Alors que se passe-t-il quand les travaux doivent avancer vite et que les ouvriers n'ont pas le temps pour se reposer ou se soigner? Quand les prix sont fortement en concurrence, les entrepreneurs s'arrogent le droit d'oublier les installations de sécurité, sans parler des jours où il y a la nécessité de travailleur sous la pluie! Peut-être pour garantir une augmentation régulière des coûts de la santé... Les dernières années, au Tessin, mais aussi partout en Suisse également, les facteurs généraux de maladie où d’accidents n'ont pas été réduits. Rien que le fait de goudronner une route pendant 9 heures 30 par jour devrait déjà expliquer clairement pourquoi ces travailleurs peuvent tomber malades en moyenne beaucoup plus que d'autres.
La démarche du syndicat pourrait donc faire émerger des revendications à mettre sur la table lors des négociations pour le renouvellement de la convention nationale du bâtiment en vigueur jusqu’à fin 2015. Avant tout, pour plus de repos, 8 heures de travail par jours au maximum, afin que chacun puisse se reposer 8 heures et profiter de 8 heures de temps libre.
La grande frénésie dans la construction est la conséquence de la forte spéculation actuelle sur l'achat et la vente des terrains et des bâtiments. Les patrons du bâtiment ont toutefois vu leur chiffre d'affaires augmenter de 33% ces dix dernières années. Ces milliards n'ont cependant pas permis aux ouvriers du bâtiment d’améliorer leur sort sur le plan de la CCT et encore moins sur les conditions de travail sur les chantiers. Un exemple: pour le canton de Vaud, une recherche a montré que le travail au noir, effectué par des travailleurs sans-papiers, avec des salaires inférieurs aux minima, sans protection sociale aucune, dépasse le 20% du total du secteur. Il n'y a pas d'excuses! Avec un tel marché du travail les accidents sont inévitables.
Un changement de politique en matière de sécurité sur les chantiers ne sera possible que lorsque la construction sera à la mesure de l’être humain, tant sur le plan de la production que de la planification. Pour commencer: ne travailler que 8 heures par jour, ne pas travailleur sous la pluie et protéger tous les travailleurs contre le licenciement. n

mercredi 19 juin 2013

Attaque patronale : révision de la loi sur le travail et les ouvertures des magasins

Une quarantaine d’articles du Code des obligations, la Loi sur le travail et les 5 ordonnances qui la complètent, sont les principaux instruments légaux qui visent à réglementer ce qui en Suisse est défini comme le marché du travail. Or, pendant ces six derniers mois, trois sénateurs – Luscher (PLR GE), Abate (PLR TI) et Lombardi (PDC TI) – ont proposé de revoir les codes sur le travail, et ont obtenu gain de cause auprès de leurs collègues.
Suivant l’ordre chronologique, c’est Luscher qui lance son attaque : à son avis, les magasins des stations à essence peuvent rester ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Alors que, jusqu’à présent, ils étaient obligés de fermer entre 22 heures le soir et 6 heures le matin. Quelle magnifique idée que de s’inventer du travail de nuit, qui ne produit pas grand-chose et qui certainement n’est pas la première nécessité des consommateurs, sans parler du droit au repos des travailleurs !
On ne doit pas croire qu’un grand savant comme Luscher vise juste à s’acheter un paquet de clopes à 2 heures du matin. La modification de la loi vise à libéraliser bien plus que les stations-service, comme le rappelle Vania Alleva du syndicat Unia : «Le régime d’ouverture 24h/24 des magasins de stations-service aboutirait inéluctablement à la généralisation de la journée de travail de 24 heures, dans le commerce de détail et dans d’autres branches d’activité encore.» En effet, combien de grands centres commerciaux on connaît à côté des stations-service, et quelle sera la limite pour les considérer comme une seule entité ? Cela peut apparaître comme un fantasme, mais voici déjà quinze ans que le Fox Town de Mendrisio est ouvert le dimanche en tant qu’activité touristique.

Le Fox Town de Mendrisio : cheval de Troie de la loi sur le travail en Suisse

Que la Suisse ait un code du travail particulièrement libéral ne devrait être une nouveauté pour personne. Les durées de travail sont fixées entre 45 et 50 heures hebdomadaires, à répartir sur 6 jours, car même Dieu a pu se reposer le septième. En effet en Suisse le dimanche on ne travaille pas, sauf ces exceptions que tout citoyen ayant un minimum de bon sens doit reconnaître : hôpitaux, transports publics, restauration et hôtellerie. Au Tessin, qui fait partie de la Suisse depuis 1803, les exceptions sont toutefois devenues sujettes à interprétations au gré des autorités.
En 1996, le Conseil d’Etat tessinois, avec l’accord du dirigeant du SIB Giuseppe Sergi, octroie le permis d’ouverture le dimanche au centre commercial Fox Town. Ouverture qui devient illégale lorsque, à la suite de la révision totale de la Constitution en 1999, l’article 20 de la loi fédérale sur le travail est modifiée, interdisant le travail du dimanche. Au Fox Town, jusqu’à il y a très peu de temps, aucune force syndicale ou politique ne s’est intéressée à y faire respecter la loi.
Quand en 2009 des divisions internes au syndicat Unia amènent à la marginalisation des trotskistes dirigés par Sergi, ces derniers se rappellent qu’ils sont des révolutionnaires et, sur un ton revanchard, ils utilisent la voie légale pour demander la fermeture le dimanche du centre commercial. Malgré les tentatives de recours, le centre reste ouvert, car les autorités cantonales (de mauvaise foi) justifient cette dérogation par le caractère «touristique» de cette activité économique.
Une série incroyable de recours en justice, pourparlers, tables rondes et négociations entre l’Etat, les syndicats et le grand patron de Fox Town, Monsieur Tarchini, a amené la conseillère d’Etat radicale Laura Sadis à demander à la députation tessinoise, l’automne passé, d’intervenir au parlement fédéral pour légaliser la situation de Fox Town. Quelques mois après, les jeux sont faits : le sénateur Abate demande d’introduire dans l’Ordonnance 2 de la Loi sur le travail les centres commerciaux d’intérêt touristique en tant qu’activités qui font exception à l’interdiction du travail le dimanche.
Pris par une envie particulière d’imiter l’autre sénateur tessinois, Filippo Lombardi lance à son tour son projet de démantèlement de la loi sur le travail. Selon le conseiller aux Etats PDC, afin que les commerces suisses soient concurrentiels avec ceux de l’Italie du nord, il faut que les portes des magasins ouvrent à 6 heures ; il faut aussi qu’elles ferment à 20 heures en semaine et «seulement» à 19 heures le samedi. Le parlement a également soutenu ce projet qui sera l’objet, selon toute probabilité, d’un référendum de la part d’Unia. Par ailleurs, venant d’un PDC grand défenseur de la famille, on se demande comment c’est possible de concilier une journée de travail qui s’étale sur 14 heures avec une vie sereine avec le/la partenaire et les enfants…

Soutenons le référendum et les luttes syndicales

Complètement sous l’emprise de l’idéologie du consumérisme, les trois sénateurs de la droite libérale lancent une attaque conjointe contre les droits des travailleurs et surtout des travailleuses du commerce, une attaque qui n’a pas de précédent, en tout cas dans la période récente. L’espoir de relancer l’économie en pensant qu’il suffit d’ouvrir plus longtemps les magasins n’est que de la poudre aux yeux. Tant que le pouvoir d’achat des couches populaires ne sera pas relancé, la crise va s’approcher. Les travailleurs n’ont pas besoin de plus de flexibilité, ni de plus de travail, ils ont juste besoin que leur travail soit reconnu par la valeur qu’il a, il faut que ce soient les actionnaires et les patrons qui payent enfin les défauts de système. Dans l’immédiat, en plus de se mobiliser pour soutenir les référendums lancés par les organisations syndicales, il faudrait exiger qu’une CCT nationale pour la branche du commerce au détail soit établie, afin d’obtenir des salaires minimaux, des horaires d’ouverture décents et de bonnes conditions d’assurances sociales pour tous.